Chapitre 2
Le paysage de bocage défila sous le regard nostalgique de
la jeune femme. Aby n’aurait pas cru devoir avouer un jour que
cette campagne verdoyante, ces lourds nuages bas chargés de
pluies et l’étrange silence presque surnaturel des régions
de Quaint Cove, pouvait lui manquer. Chaque motte de foin esseulée
dans un champ, chaque hêtre aux branches tordues, chaque panneau
vermoulu pendue à l’entrée d’une taverne
miteuse lui rappelait une enfance solitaire mais riche en expérience.
Le front collé à la vitre, un peu collante, du taxi,
Aby tenta une fois encore de faire appelle à des souvenirs
anciens. Elle ferma les yeux, essaya de mettre de coté les
bruits extérieurs, respira un grand coup et s’efforça
de visualiser l’image de ses parents.
L’image de son père lui revient facilement en mémoire,
ce qui n’était pas un exploit. Le manoir regorgeait de
portraits familiaux, et celui de son père trônait dans
l’escalier principal. Ainsi, bien qu’il ait mystérieusement
disparu après la mort de sa mère, Aby se rappelait sans
mal les moindres traits de son visage. Ce portrait l’avait accompagné
pendant les dix longues années qu’elle passa sans ses
parents au manoir.
Elle avait même tenté de se recréer une vie familiale
en pique-niquant devant le portrait, en descendant lui parler la nuit
après un cauchemar ou tout simplement en lui adressant un petit
signe à chacun de ses passages.
Aby rejeta tendrement la figure paternelle et intensifia sa méditation
pour faire apparaître le visage de sa mère. Depuis son
départ du manoir pour aller à l’université,
elle s’était efforcée de ne pas y penser. D’ailleurs
Elizabeth Natans (on ne l’appelait jamais par le nom de DeBardis)
était un sujet tabou au manoir, et Aby dût grandir dans
un vide affectif maternel et la dérangeante impression d’être
le fruit pourri tombé d’un arbre malsain.
Un nuage noir flottait dans son esprit. Une forme blanche, diaphane,
flottait en bordure de son champ de vision et lui faisait signe de
la suivre. Aby se concentra et s’avança mentalement dans
cette purée noire. Elle ne comprenait pas pourquoi tout était
toujours aussi embrouillé quand il s’agissait de sa mère.
L’ombre l’entourait entièrement à présent,
Aby gesticulait pour se défaire de cette ouate poisseuse, mais
elle ne parvenait qu’à s’y enfoncer un peu plus.
Ses bronches commençaient à se remplir de cette matière
et l’air lui manqua rapidement. Aby poussa des jambes, se mit
sur la pointe des pieds pour se grandir et aspirer un peu d’air.
Ses yeux aperçurent au loin la silhouette du manoir, perché
sur la falaise qui bordait une mer déchaînée.
La forme blanche se trouvait sur le toit à présent,
elle lui tendait la main. Aby sortit son bras du magma noir et le
tendit à son tour mais une excroissance sortit de l’ombre
et lui saisit le poignet, le lui tordant douloureusement. La femme
blanche poussa un cri strident qui traversa la tempête et la
distance pour venir vriller les oreilles d’Aby, puis sauta dans
le vide en direction de la falaise.
Ce fut alors au tour d’Aby de hurler en voyant la femme disparaître
dans les flots glacés. Une main noire s’abattit sur son
épaule pour la tirer vers les profondeurs de l’ombre
et Aby cria d’autant plus fort.
-Mademoiselle ? Hé ! Réveillez-vous ! L’invectiva
le chauffeur, la voix légèrement paniquée.
Aby se redressa soudainement, évitant de justesse une collision
frontale avec le chauffeur penché sur son siège.
-Vous êtes arrivée, sortez !
La jeune femme était encore sous le choc de sa vision, elle
ne croyait pas s’être endormie et pourtant elle n’était
pas parvenue à contrôler ce qui s’était
passé dans sa tête. Allait-elle se mettre à faire
des cauchemars en plein jour maintenant ?
Aby ouvrit la porte et une bouffée d’air glacée,
embaumée de sel marin, s’engouffra dans la voiture et
acheva de la réveiller. Elle rejoignit l’homme qui était
déjà attelé à sortir ses valises du coffre.
Elle lui tendit un billet, qu’il fourra dans sa poche sans chercher
à lui rendre la monnaie, et tourna aussitôt les talons
et une fois dans sa voiture, démarra en trombe sans un regard
en arrière.
Aby pris un sac dans chaque main et fit enfin face au manoir. Sombre,
lugubre, une vraie maison sortie d’une série B sur halloween.
La bâtisse était haute de 3 étages sans les combles,
son toit de brique noire alourdissant encore l’imposante structure.
Perchée au bord d’une falaise balayée par les
vagues et les embruns, la demeure se révélait des plus
agréable en été, mais une véritable crypte
en hiver.
Un grand jardin a l’Anglaise s’étendait entre le
manoir et le monumental portail en fer forgé, et un jardin
à la Française occupait le reste de la propriété.
Une serre et une grange complétaient l’ensemble.
Aby montait l’allée recouverte de gravier, quelque peu
glissante, la menant vers son ancienne demeure, elle se sentait écrasée
par ce paysage. Elle se sentait également étrangère
et appréhendait de ne pas être vraiment la bien venue
à nouveau dans la famille.
Le portail crénelé perdait sa peinture à de
nombreux endroits et la rouille l’attaquait impitoyablement.
L’allée intérieure se noyait sous un lit de mauvaise
herbe et les bordures autrefois soignées étaient depuis
longtemps retournées à l’état sauvage.
En poussant le portail, dans un crissement épouvantable, Aby
fut stupéfaite de voir l’état de délabrement
de l’ensemble de la demeure. Dans son souvenir tout y était
parfaitement entretenu et Erin, la femme de son grand-père,
gérait son domaine d’une main de fer. Certes le manoir
était toujours aussi imposant, mais il semblait encore plus
lugubre avec ses fenêtres cassées, ses jardins noyés
de végétation et les murs extérieurs dont le
plâtre tombait par larges bandes.
Cet état des lieux intrigua Aby, et la mis encore plus mal
à l’aise. Mais qu’était-il donc advenu de
la famille DeBardis depuis son départ ? Aby remontait l’allée
menant à la grande porte d’entrée en chêne
massif, continuant son inspection, quand une silhouette tout de noire
vêtue s’approcha d’elle. La jeune femme plissa des
yeux et finit par reconnaître le maître d’hôtel,
Henri. C’était à présent un vieillard,
légèrement voûté et totalement chauve.
Dans son esprit il était resté le Henri doux, prévenant
et énergique, avec des mains puissantes et une chevelure d’un
noir de jais. Le temps était un ennemi impitoyable, et la jeune
femme se sentit vieille à son tour, même si le vieil
homme aurait tôt fait de la traiter comme une enfant, comme
il l’avait toujours fait.
Henri se posta devant elle et amorça une légère
révérence, ce qui chagrina un peu Aby.
- Qu’il est bon de revoir Mademoiselle au manoir. Autorisez
un humble serviteur à serrer dans ses bras l’enfant la
plus adorable qu’il eut à servir.
Aby passa sur son actualité de femme mariée et se lova
dans les bras de ce qui était à présent, pour
elle, l’homme vivant se rapprochant le plus d’un statut
de père. Ses bras enlacèrent un corps mince, trop mince,
embaumant le fumet de tourte à la viande. Que de bons souvenirs
affluèrent alors dans sa mémoire. Pourquoi n’avait-elle
conservé que les cotés sombres de son enfance plutôt
que de se rattacher à ces petites choses qui avaient illuminé
ses longues années de solitude ? Les tourtes chaudes diversement
fourrées, les piques-nique dans les jardins ou sur la plage,
les ballades à poneys et les cabanes instables dans lesquelles
elle se prenait pour une aventurière.
Une fois l’étreinte passée, les deux amis se
regardèrent un peu gêné de se réjouir de
leur retrouvaille en une si triste circonstance. Henri se saisit des
bagages de la jeune femme, et Aby le laissa faire ne souhaitant pas
le vexer.
- Mme DeBardis vous attend dans le grand salon. Je vais faire réchauffer
votre chambre et vous retrouverais pour le dîner.
Et c’est ainsi que s’acheva leur courte entrevue, Henri
grimpant déjà à l’étage supérieur,
laissant Aby dans un hall presque aussi grand que son appartement.
La décoration n’avait pas changé d’un iota,
toujours aussi surchargée, surannée et étouffante.
De lourdes tentures rouges et or, couleur du blason familiale, recouvraient
les murs et fenêtres afin d’isoler la maison. La cheminé
en marbre brut flambait comme l’enfer, étirant une lueur
rougeoyante sur les portraits des ancêtres, qui n’avaient
pas besoin de ce supplément pour donner des frissons.
La peinture mise en avant dans cette pièce était celle
du premier fondateur du manoir. Enfin de l’un des fondateurs,
puisqu’il s’agissait de jumeaux : les jumeaux Abel et
Nicael DeBardis. Deux brutes épaisses, à la barbe foisonnante
et teinte de rouge, les yeux globuleux noyés sous une rivière
de sourcils noirs et la tête ceinte d’un tortil outrancier.
Aby contempla quelques instants cette peinture gigantesque qui l’avait
souvent effrayée enfant, puis avisa qu’il était
temps d’affronter sa famille. Elle tourna les talons, se posta
devant les lourdes doubles portes menant au grand salon et les poussa
de toutes ses forces.
La pièce était assez sombre, uniquement éclairée
par la cheminée et les candélabres disposés sur
les meubles. On aurait pu croire à un voyage dans le temps.
Cette pièce était typique du manoir et de la ligne de
conduite familiale : l’immobilisme. Les meubles étaient
tous centenaires, on ne remplaçait que ceux rongés par
les mites ou s’effondrant. La décoration n’était
qu’un étalage de portraits et peintures anciennes, de
bibelots qui se serraient sûrement vendus une fortune chez un
antiquaire, des tapis aux couleurs passées et des lustres scintillants
en cristal. L’atmosphère était lourde et pesante.
Une femme était assise confortablement dans un fauteuil près
de la cheminée. Habillée entièrement en rouge
en dehors d’un foulard noir noué autour du cou, Aby reconnut
immédiatement Erin, la seconde femme de son grand-père.
Aby s’approcha silencieusement, les mains serrées contre
son ventre, un peu tremblante. La vieille femme porta une tasse en
porcelaine à ses lèvres, bu une gorgée de thé
puis parla sans même se retourner.
- L’enterrement ne se fera pas avant plusieurs jours, si tu
avais attendu mon invitation tu n’aurais pas eut à venir
si tôt.
Erin porta à nouveau sa tasse à sa bouche et ignora
ostensiblement la jeune femme. Aby, qui ne manquait pourtant pas de
répartie dans sa nouvelle vie, était pourtant face à
cette femme, totalement paralysée.
- Je ne voulais pas déranger. J’attendrai dans une des
chambres du pub de O’Hara si cela vous est gré.
- Je ne suis pas un monstre Andréa Abygaelle DeBardis. Tu es
ici chez toi, et je n’ai aucun droit de t’en refuser le
séjour, et ce n’est pas la mort de Jacob qui changera
cela. Ta chambre reste ton domaine et si tu veux parler de la succession,
nous le ferons plus tard. J’ai besoin d’être seule
si tu le permets.
Aby retient sa colère, sous ses abords de dame calme et posée,
Erin était passée maître dans les pics verbaux
et les vexations de tout genre. La jeune femme refréna l’envie
de faire une révérence provocante de soumission à
la matrone de la famille, et quitta la pièce silencieusement.
De retour dans le hall, Aby décida que finalement elle n’était
peut être pas prête à affronter le reste des locataires
et grimpa l’escalier jusqu’au premier étage où
se trouvait sa chambre. La dernière porte au bout d’un
long couloir recouvert de pourpre et de triptyques champêtres.
La pièce n’avait vraiment pas changé, rien d’étonnant
à cela, un feu crépitait éclairant une chambre
certes spartiate mais rassurante. Un large lit bourré de plumes
d’oies occupait un des murs, un secrétaire ouvragé
faisait face à l’unique fenêtre donnant sur le
jardin arrière, une commode complétait le tout. Un équipement
réduit mais pratique. Aby caressa du bout des doigts son bureau
sur lequel elle avait passé tant d’heure.
Henri avait posé sa valise sur le lit et sa sacoche au pied
du secrétaire. Aby passa l’heure qui suivit à
s’installer, brancher son ordinateur, recharger son portable
et fouiller dans les vieux papiers entassés dans les tiroirs.
Elle sourit en relisant certains de ces vieux écrits ou en
retrouvant de vieux dessins.
L’inconfort de la chaise en chêne brut se fit rapidement
sentir et Aby reprit ses habitudes de jeunesse en s’installant
sur son lit douillet. En farfouillant dans la pile de feuillet qu’elle
avait apporté sur le lit, Aby tomba sur une photo jaunit d’elle
et de son grand-père jardinant près de la serre. Elle
se rappela cette journée, ensoleillée et insouciante.
Elle n’avait pas encore sept ans et passait alors de nombreuses
heures avec sa mère dans cette serre. Toutes deux participant
à une compétition amical autour d’un parterre
de fleurs. Cet agréable souvenir donna envie à Aby de
retrouver son ancien album photo. Elle retourna donc à son
bureau et ouvrit le tiroir principal. A sa grande surprise celui ci
était vide. Plus précisément il était
rempli de feuilles vierges. La jeune femme retira complètement
le tiroir, versa son contenu au sol, fouilla dans la brèche
noire du bureau, derrière, par terre mais ne le retrouva pas.
Fourbue, Aby se rassit sur le lit et se laissa tomber en arrière,
fixant le plafond nu. Qui aurait eut envie de prendre ce vieil album
? Il n’avait de valeur que pour elle. Elle ferma les yeux et
avant de s’assoupir, pensa à demander à Henri
s’il ne l’avait pas trouvé en nettoyant la chambre.
La torpeur envahit bien vite la jeune femme, qui ne pouvait résister
à un confortable matelas de plume.
La lune se levait au-dessus du lit à baldaquin, le toit ayant
mystérieusement disparut. Aby, toujours allongée, sentait
son corps s’enfoncer dans le matelas, toujours plus profondément.
Bientôt seul sa tête émergea de la mer de plumes
blanches. Son corps était engourdi et elle n’esquissa
pas le moindre mouvement pour se sortir de ces étranges sables
mouvants.
Un cri perçant déchira la nuit et une main, d’un
blanc lumineux sous la lueur de la lune, sortît de sous le lit
et lui attrapa le mollet. Aby se sentit tirée vers le sol et
se laissa faire. Elle se sentait écartelée entre le
lit qui résistait à son départ, et la tension
puissante sur sa jambe. Mais celle ci eut bientôt le dessus
faisant basculer Aby sur le sol. Toujours engourdie la jeune femme
ne ressentit aucune douleur suite à cette chute et se contenta
de tourner la tête vers le lit. Elle faisait alors face au-dessous
de lit poussiéreux et sombre et remarqua un objet rectangulaire
qui y luisait faiblement. En plissant des yeux Aby reconnut son album
photo et tendit un bras pour l’attraper. Alors que ces doigts
frôlaient la couverture lisse de cuir, deux yeux jaunes, incandescent,
naquirent de la pénombre la faisant sursauter. La jeune femme
hésita un instant mais retenta à nouveau d’attraper
l’album. Les yeux démoniaques s’accompagnèrent
alors d’une mâchoire proéminente remplis de crocs
acérés qui lui arrachèrent la main.
Aby se redressa d’un bond dans son lit, le cœur palpitant,
le corps couvert de sueur et les yeux écarquillés. Elle
posa la main à sa poitrine, reprenant péniblement sa
respiration. Elle savait qu’en revenant dans cette demeure ces
cauchemars s’amplifieraient mais elle aurait souhaité
se tromper ou au moins avoir une nuit de tranquillité.
Sa main droite était tout engourdie et la picotait. Elle l’a
secoua pour y faire revenir la circulation sanguine, puis se leva
du lit pour aller prendre un bol d’air frais à la fenêtre.
La lune était déjà visible dans le ciel, et les
dernières lueurs du soleil couvraient le jardin d’une
couleur mordorée tirant sur l’orange. Aby ne pensait
pas avoir tant dormis et pourtant l’heure du dîner était
déjà proche. Elle referma la fenêtre, troqua ses
vêtements confortables pour une jupe droite stricte et un chemisier
blanc, et se rassit sur le lit en attendant le signal du dîner.
Le rêve qu’elle venait de faire la hantait encore, elle
ne parvenait pas à en saisir le sens, ni même à
savoir s’il y en avait un. Certes la perte de son album la chagrinait
mais pourquoi son esprit l’avait-il associé à
sa mort ou un danger ? Une idée lui traversa l’esprit
comme un éclair. Elle se leva, hésita, tourna sur elle-même
puis dans un soupir se résigna à se mettre à
quatre pattes et à regarder sous le lit.
Elle ne fut qu’à peine surprise d’y voir le vieil
album à la couverture brune et craquelée. Le dessous
de lit n’était pas du tout poussiéreux comme dans
son rêve, au contraire il était à l’image
du reste de la chambre : totalement propre et aseptisé. Aby
ne parvenait pas à comprendre comme son album avait atterrit
là et pourquoi Henri ne l’avait pas remarqué en
faisant le ménage. Mais elle mit de côté ces questions
sans réponses pour reporter son attention au recueil de photo.
Elle tourna lentement chacune des épaisses feuilles de papier
jaunit et son visage se fit le théâtre de ses émotions
: tantôt souriant, tantôt sombre. Une larme coula le long
de sa joue lorsqu’elle arriva à l’unique photo
d’elle et de ses deux parents réunis. C’était
lors d’une chaude journée d’été,
dans ce même jardin qu’elle avait contemplé peu
de temps avant. Elle caressa la photo tendrement, la serra contre
son cœur, sa joue, ses lèvres puis tourna la page afin
de ne pas se laisser envahir par l’émotion avant le dîner
et la rencontre tant redoutée avec le restant de sa famille.
La page suivante était vierge, sur la suivante était
collé un gros plan de leur ancien chien Fulbert, la dernière
page du carnet était quant à elle arraché de
moitié ou plutôt comme labourée par des griffes.
Les lambeaux de papier étaient couverts d’un liquide
séché couleur terre de sienne qui s’effritait.
Le restant de la photographie représentait un portrait de la
famille au complet d’avant la naissance d’Aby et de ses
cousins. Dans la marge une écriture maladroite et empattée
avait griffonné le mot « cherche ! ».
Aby était définitivement perdue. Que penser de cet enchaînement
de fait ? De ce rêve puis de cet étrange message ? Et
puis même si elle refusait d’y croire, cette dernière
page semblait couverte de sang… le sang de qui ? De l’auteur
ou de … de l’agresseur ?
On toqua à la porte et Aby sursauta comme une lycéenne
prise en train de fumer en cachette dans sa chambre. Henri passa la
tête par l’entrebâillement de la porte et lui dit
que le dîner était servi.
-Bien merci, bégaya Aby.
-Votre couvert vous attend dans le grand salon, Mademoiselle. L’avertit
le majordome avant de rabattre la porte vers lui.
-Attendez… Henri ?
-Oui Mademoiselle ?
-Est-ce que vous … ou quelqu'un du manoir, à votre connaissance,
aurait consulté mon album ? Demanda-t-elle en lui montrant
de loin la couverture de l’objet.
- Je pense que personne de cette maison, à part moi bien entendu,
ne soit entré dans votre chambre depuis votre… départ.
Aby le remercia et promis de se hâter de descendre. Elle cacha
l’étrange document sous son oreiller, se recoiffa rapidement
devant le miroir de sa coiffeuse et sortit de la chambre.
*
***